Stellungnahme der Bioethikkommission der Schweizer Bischofskonferenz (EBK) zur Vernehmlassung zur Teilrevision des Transplantationsgesetzes

Die Kommission für Bioethik der Schweizer Bischofskonferenz (EBK) unterstützt das Kreuztransplantationsprogramm, das die Identifizierung von kompatiblen Lebendspendern ermöglicht, da so die Chancen auf eine Spende unter Wahrung der Selbstbestimmung des Spenders erhöht werden. Damit dieses System jedoch sowohl wirksam als auch ethisch vertretbar ist, muss es einer Reihe von Vorsorgeprinzipien folgen, die die Kommission hier darlegt

 

La commission de bioéthique de la Conférence des évêques de Suisse (CBCES) remercie le DFI de sa demande de prise de position. Elle rappelle que l’Eglise catholique soutient et encourage le don d’organes, comme un acte de profonde charité et de fraternité.

Dans le cadre de cette consultation, elle soutient le programme de transplantation croisée qui permet de répertorier des donneurs vivants compatibles, puisque cela augmente les chances de don, tout en conservant l’autodétermination du donneur.

Cela dit, ce système pour qu’il puisse être à la fois efficace et éthique doit être encadré par quelques principes de précaution.

 

Protection du donneur

La CBCES soutient la proposition d’une implémentation d’un système de vigilance en matière de transplantation qui doit annoncer tout incident dans la chaîne de transplantation tel que proposée à l’art. 36, pour limiter le risque d’échec de la transplantation, ainsi que de transmission de pathologies.

Il importe toutefois que le donneur potentiel reçoive toute l’information nécessaire au prélèvement pour qu’il fasse un choix éclairé, qu’il ait eu le temps de mûrir sa décision, tout en lui permettant de se rétracter à tout moment.

Il faut s’assurer en particulier de la solidité, du désintéressement de la motivation, de la qualité de l’information préalable, de son degré de perception, de la capacité personnelle à affronter les étapes du prélèvement et de la greffe, du contexte social et familial, enfin de la gratuité du don. Le don croisé doit ainsi répondre aux mêmes exigences d’information, de consentement éclairé et de gratuité que celles définies à l’art. 9 et 10 de la loi sur la transplantation (RS 810.211).

De plus, si la transplantation possède de nombreuses répercussions psychologiques, cela est d’autant plus vrai lors du don croisé. La présence de psychologues spécialisés susceptibles d’apporter leur éclairage et leur aide à la décision finale, tout en soutenant et valorisant, avant et après le don, la personnalité du donneur est indispensable. La CBCES propose que ce suivi psychologique soit proposé de manière automatique et qu’il soit pris en charge par les assurances maladies. Ainsi, l’art. 15a serait complété ainsi : « Les assureurs visés à l’art. 14, al. 2 et 2bis, prennent en charge les coûts médicaux et psychologiques du suivi de l’état de santé des donneurs d’organes ou de cellules souches hématopoïétiques ».

De plus, il importe que les examens psychologiques pour l’admission soient approfondis. Une étude de Daniele Stagno et de Lazare Benaroyo a montré que les facteurs psychologiques sont déterminants pour la réussite des greffes, a fortiori pour les dons croisés[1]. Si ces examens sont mentionnés dans le rapport explicatif pour l’art. 23h al. 1, ils ne sont pas explicites dans le projet de loi. Aussi, la CBCES propose de compléter l’art. 23h comme suit :

 

« 1 Les patients et les personnes disposées à faire don d’un organe peuvent être admis dans le programme si:

  1. ils ont consenti par écrit à y participer;
  2. les conditions d’un prélèvement d’organe sont remplies chez la personne disposée à faire un don;
  3. le patient ne présente aucune contre-indication médicale durable ;
  4. les patients ont subi un examen psychologique approfondi qui démontrent des attentes réalistes, une bonne compréhension et une motivation de maturation face au don ».

 

Interdiction de toute forme de commercialisation des organes

La CBCES souligne l’importance d’interdire de toute commercialisation des organes, tissus et cellules, ainsi que toute utilisation d’organes prélevés de manière illicite ou contre un avantage financier.

Le don entre vivants implique la transgression du principe d’inviolabilité du corps humain, au profit de tierces personnes malades. La légitimité de cette dérogation ne se discute pas lorsque le don découle de la libre volonté d’une personne autonome et qu’il s’agit d’organes essentiels à la bonne santé. (Le don d’ovocyte, interdit en Suisse, ne saurait entrer dans cette catégorie).

Cela dit, l’encadrement réglementaire doit être suffisant pour lutter efficacement contre les dérives vers des prélèvements contraints ou motivés par des intérêts marchands qui réduiraient le donneur à un simple moyen. Il convient à tout prix d’éviter une commercialisation des organes réglementée pour répondre à la pénurie d’organes et de lutter contre trafic et le tourisme de transplantation.

Le discours libertaire qui prétend à un droit de procéder à de tels échanges sur seul fondement que les deux parties sont librement consentantes est un leurre. En effet, cet échange se fait toujours selon le même modèle : une personne pauvre consent à monnayer une partie de son corps dans le but d’améliorer son sort. Le plus souvent, cet objectif n’est pas atteint et le donneur retourne assez vite à son état de pauvreté antérieur, doublé en général d’un état de santé dégradé par le don.

Pour éviter cette commercialisation, il importe que le don gratuit ait lieu en Suisse et non à l’étranger, même pour les membres d’une même famille. Il est en effet difficile de prouver parfois certains liens familiaux éloignés et presque impossible de définir une limite entre famille proche et lien familial éloigné. La provenance des organes doit pouvoir ainsi être certifiée.

 

Nombre de dons croisés

La CBCES s’accorde en partie avec l’expertise éthique de Peter Rippe, selon laquelle le don croisé n’est pas en soi un échange et ne répond pas à des intérêts commerciaux[2]. Pour cette raison, la CBCES soutient le programme de don croisé en Suisse.

Cela dit, Peter Rippe va trop vite lorsqu’il dit que le don croisé ne comporte pas de risque de trafic d’organes. S’il est vrai que le don croisé ne comporte pas plus de trafic que le don d’organes de manière générale, cela n’est pas le cas dans le cadre particulier de la Suisse qui s’est doté d’une règlementation précise pour pouvoir tracer l’origine des dons.

Or, dans le cas de collaborations avec des programmes étrangers, plus le nombre de couples augmente dans le don croisé, plus il est difficile de tracer l’origine des organes. C’est la raison pour laquelle la CBCES propose de ne pas dépasser un cycle d’échange impliquant jusqu’à trois paires dans une chaîne fermée en cas de collaboration avec des programmes étrangers. Ces triplets permettent une augmentation substantielle du don, tout en permettant de conserver la traçabilité des organes.

La CBCES propose ainsi de compléter l’art. 23l comme suit : « 1Le service national des attributions peut conclure des conventions sur la collaboration dans le domaine des transplantations croisées avec des programmes étrangers. Dans ce cas, le cycle d’échange ne peut impliquer qu’un maximum de trois paires de donneurs dans une chaîne fermée ».

 

Priorité de certains groupes

Nous partageons les conclusions de l’expertise éthique de David Shaw qui affirme que l’introduction d’une priorité au receveur orphelin et aux donneurs souffrant d’insuffisance rénale serait discriminatoire envers les autres personnes sur la liste d’attente de transplantation[3].

La CBCES propose de ne pas introduire de priorité pour éviter toute discrimination, ce qui permet de respecter la Constitution en la matière. La CBCES propose ainsi de compléter l’art. 23j comme suit : « 3 Dans le cas de don croisé, aucune priorité n’est accordée au receveur orphelin ou aux donneurs souffrant d’insuffisance rénal afin d’éviter toute forme de discrimination ».

Fribourg, le 31 août 2021


Dr. Stève Bobillier, coll. scient. de la CBCES


[1] Daniele Stagno, Lazare Benarovo, « Transplantation avec donneurs vivants : enjeux éthiques », Revue médicale suisse, 98, février 2007, https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2007/revue-medicale-suisse-98/transplantation-avec-donneurs-vivants-enjeux-ethiques.

[2] Peter Rippe, Expertise éthique relative à la transplantation croisée, juin 2014, https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/medizin-und-forschung/transplantationsmedizin/rechtsetzungsprojekte-in-der-transplantationsmedizin/revision-des-transplantationsgesetzes/teilrevision-transplantationsgesetz.html, sous l’ongle document.

[3] David Shaw, Expertise éthique concernant les cas de rigueur lors de la transplantation croisée, 27.02.2020, https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/medizin-und-forschung/transplantationsmedizin/rechtsetzungsprojekte-in-der-transplantationsmedizin/revision-des-transplantationsgesetzes/teilrevision-transplantationsgesetz.html, sous l’onglet document.